Benoit Rondot, portrait

François Fixot
Carnet de Notes n°6 , Société des Amis du Musée des Beaux Arts, Nantes, février 2004

Il est des œuvres qui tournent résolument le dos aux «diktats» de la pensée artistique du moment, des œuvres qui s’éloignent des préceptes actuels du mode de présentation de l'art, de ces règles implicites au milieu de l’art contemporain qui font que, passant d'un centre d’art à un autre, nous nous heurtons parfois à une impression de déjà vu, à une sensation d’uniformité, à une monotonie qui peut être expliquent le manque «d'appétit pour l’art›› qui semble frapper nombre d’amateurs actuels.

Le travail de Benoît Rondot s'inscrit dans cette ligne et ceci sans qu’il ne revendique une quelconque attitude de contestation, il est simplement étranger à cette mode actuelle qui prétend éradiquer la peinture, bannir le figuratif, rejeter le savoir-faire propre au métier d’artiste. Benoît Rondot est un contrevenant à l'idée qui fait de la production d'œuvres en elle-même, le vestige d'un passé déclaré par certain sans intérêt si ce n’est qu’historique. L'excellent essai d'Yves Michaux «L'art à l’état gazeux››, dont la lecture m'a éclairé sur certaines interrogations, développe fort bien ce point. Benoît Rondot produit des images, des séries d'images autour de thèmes qui lui sont propres. Il possède un «coup de patte» que même les tenants les plus orthodoxes de la pratique artistique correcte du moment ne lui dénient. Il crée une œuvre à la fois cohérente et hétérogène qui restitue ses centres d'intérêts : les timbres, les insectes, les anciens catalogues d’outillage…
Par l’intermédiaire d`images aux couleurs très travaillées, aux jeux de matières subtiles, aux supports recherchés (papiers faits «maison»...) il nous éveille aux échos d’un monde très personnel. Chaque univers est crée à travers la réminiscence d’un passé qu’il n’a jamais vraiment connu - les années cinquante - d’un passé qu’il a tout juste frôlé. Nous partageons avec lui la mémoire de mondes qui s’effacent - l’univers industriel d’avant l’informatique et le «juste à temps» avec la série des machines, l’univers du monde rural lui s'ouvre à la mécanisation (série des tracteurs), le monde des collections enfantines... Comme l’écrivain Patrick Modiano qui innerve ses romans avec sa fascination pour les années 39-45, il sait aussi rester à l’écart d’une démarche strictement passéiste.
L’œuvre de Benoît Rondot nous ramène aux termes d’une interrogation, d’une recherche qui nous concerne tous : quel est notre héritage, que devons-nous au passé, de quels choix est fait notre présent ? A travers ce questionnement, nous sommes invités à «reconstruire›› ce qui fait notre identité, ce qui fait les fondements de nos goûts et de nos aversions, mais aussi ce qui fait ce que nous sommes au monde actuel.
Benoît Rondot a sans doute intuitivement compris l’importance de la notion d'authenticité dans un monde changeant et sujet à la versatilité des modes, c'est ce qui l’éloigne du passéisme et fait de lui un artiste tout simplement contemporain. Il nous semble important de jeter un regard attentif à sa démarche et à son œuvre et c'est dans ce but que les «Amis du Musée›› vous présentent ce dossier.